Communication non-violente ou régulation non-violente ?
Le terme de Communication non-violente a été créé par le psychologue américain Marshall Rosenberg dans les années soixante-dix. La figure de la girafe s’opposant à celle du chacal en est l’emblème. La girafe, ou la capacité de prendre de la hauteur, et le chacal, ou la parole agressive. Les travaux de Rosenberg s’inscrivent dans la suite de ceux de Carl Rogers sur l’écoute, l’empathie et l’authenticité. La Communication non violente est une riche proposition de vulgarisation de cette approche. Cependant elle présuppose un cadre de relations coopératives et bienveillantes.
La réalité du travail éducatif ou social est souvent faite d’opposition, d’affrontement, voire de conflit ou de violence. La seule communication, si non-violente soit elle, ne suffit pas à faire face à ces situations. Il est un préalable à prendre en compte : le rapport à un cadre de règles et de lois.
Toute relation se situe d’abord dans un positionnement vis-à-vis de ce cadre. Toute relation se vit dans un statut, qu’il soit hiérarchisé ou coopératif. Toute relation se développe dans un cadre qui peut évoluer. Lorsque s’engage la communication – ou la tentative de communication – elle est conditionnée par ce cadre.
Agir sur les relations et les conflits nécessite de prendre en compte autant le rapport au cadre que la communication. C’est pourquoi l’IFMAN choisit le terme de Régulation non-violente.
Un cadre de règles et de lois n’existe pas durablement parce qu’il a été décidé, mais parce que des forces viennent le garantir. Notamment pour faire face à d’autres forces qui s’y opposent.
Force d’une autorité, force de police, force du syndicat, force du nombre, force de séduction, force de l’humour, force de contention, force d’inertie. Ces forces sont toujours en mouvement. La vie collective est faite d’équilibres à ajuster sans cesse. Le consensus d’un jour se déchire le lendemain, le délicat compromis doit être régulièrement vérifié, la solide unanimité peut être bousculée par un événement inattendu. La réalité est que l’incessant mouvement de la vie ne garantit aucun équilibre définitif.
Les relations sont donc faites de désaccords, d’oppositions, de conflits. Il est vain de chercher la solution immuable. Il est plus sage de rechercher comment réguler les tensions qui habitent ces relations. Le régulateur dans une machine à vapeur est cette soupape qui libère la pression quand elle est trop forte ou qui fait remonter quand elle est trop faible. Le régulateur d’une réunion est cet animateur qui modère la parole, suspend les grands parleurs et fait place aux plus timides.
La régulation est une approche pour ajuster en permanence les nécessaires tensions de la vie collective. Elle prend en compte trois dimensions :
– le cadre relationnel,
– le vécu émotionnel,
– le fonctionnement collectif.
Dans chacune d’entre elles les outils de la communication non-violente sont des moyens précieux, qui permettent d’exprimer avec plus d’authenticité son propre vécu. À la condition que l’interlocuteur soit à l’écoute. Or s’il ne le veut pas ou ne le peut pas, il s’agit de recourir à la force d’un cadre. Cadre d’une mobilisation pour se faire entendre d’une hiérarchie, cadre d’une contrainte pour se faire obéir d’un subalterne, cadre d’une organisation pour donner une place à chacun. C’est-à-dire, dans chaque circonstance, reconnaître le cadre qui détermine la façon d’être en relation.
Il n’y a pas de communication sans cadre préalable. Un mode de relation qui cherche à être non-violent doit s’interroger autant sur le contenant de la communication que sur le seul contenu de celle-ci. C’est pourquoi l’IFMAN travaille à la fois sur le rapport aux règles et aux lois et sur le rapport aux ressentis et aux émotions. C’est l’enjeu de son approche, dite de Régulation Non-Violente.
François Lhopiteau, juin 2012.
Site francophone de la Communication Non-Violente : www.nvc-europe.org