Témoignage – Celine, Responsable de RPE autour d’un projet Petite Enfance

L’IFMAN Co propose depuis 2011 une formation au contenu de l’exposition « Mais qu’est ce qui se passe dans sa petite tête ? » inspirée de l’ouvrage J’ai tout essayé ! d’Isabelle Filliozat. Composée de 8 panneaux, cette exposition permet d’aborder les différents aspects de la relation avec le tout-petit : le caprice, les émotions, juger, imposer/s’opposer, les règles, punir, les disputes.
De nombreux·ses professionnel·les se sont déjà formés et proposent des projets divers autour de cette exposition (ateliers, cafés des parents…) pour permettre aux parents et professionnel·les de mieux connaître le fonctionnement du petit enfant pour mieux réagir.
Céline PM, responsable d’un relais Petite Enfance pour Roannais Agglomération, nous fait part de ses acquis dans cette formation et de l’utilisation faite de l’exposition sur son territoire.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Céline PM, éducatrice de jeunes enfants de formation, je travaille au Relais Petite Enfance de Roanne qui est sous l’autorité de Roannais Agglomération, la communauté de communes. J’ai commencé à travailler en relais petite enfance en 1999. Mon travail, c’est l’accompagnement au quotidien des assistantes maternelles : animations avec elles et les enfants qu’elles gardent, soutien dans les tâches administratives et dans la relation aux parents, et l’accompagnement des parents au niveau administratif pour trouver un mode de garde. Le tout, bien sûr dans l’intérêt de l’enfant.
Comment avez-vous connu l’exposition « Mais qu’est ce qui se passe dans cette petite tête ? » et quel constat vous a donné envie de la mobiliser ?
Je l’ai connue par Promotion Santé (ex IREPS) qui avait déjà commencé à travailler avec Roannais Agglomération, notamment sur certains éléments comme le rythme de vie des enfants, l’alimentation, … avec l’école Jules Ferry. Cette dernière a souhaité former les enseignants puis a décidé d’ouvrir cette formation aux ATSEM, au personnel administratif et aux acteurs de la petite enfance sur le territoire de la ville de Roanne.
J’ai très rapidement adhéré à ce projet-là. Depuis très longtemps, je m’intéresse à ce qu’on appelle souvent « l’éducation bienveillante » et notamment tout ce qui peut aider un enfant à être résilient ou à éviter de le mettre dans une posture difficile. Dès qu’on m’a parlé d’un projet sur cette thématique, ça m’a tout de suite parlé. Ce sont des notions que j’essaye de transmettre au quotidien aux assistantes maternelles. J’avais déjà travaillé ça il y a quelques années avec des collègues autour d’un film L’Odyssée de l’empathie. Cette projection avait réalisée à la demande des assistantes maternelles donc je savais que j’allais répondre à une demande du terrain.
Travailler à partir d’une exposition permettait d’avoir un support direct qui abordait les différents aspects éducatifs relatifs à la petite enfance.
Selon vous, quels sont les besoins principaux des assistantes maternelles ? Et des parents ?
C’est une large question.
Pour les assistantes maternelles, globalement, nous savons que leur profession les met en situation d’isolement. A partir de ce moment, pour elles, la prise de recul est plus compliquée pour face aux difficultés qu’elles rencontrent. Souvent l’aspect émotionnel de l’enfant peut être plus difficile à traiter. Elles ont besoin d’être accompagnées pour savoir comment poser l’autorité de manière adéquate.
Pour certaines, l’exercice va être un petit peu inné parce qu’elles ont une posture ou une éducation qui facilite la relation et elles possèdent une certaine intelligence émotionnelle vis-à-vis de l’enfant.
Pour d’autres, ça peut demander de prendre plus de recul car elles n’ont pas forcément reçu une éducation bienveillante ; elles ont plutôt eu affaire aux « vieilles pratiques éducatives ». Cela ne les empêche pas d’être de bonnes assistantes maternelles, simplement elles ont besoin d’un coup de pouce.
Aussi bien les parents que les assistantes maternelles peuvent être confrontés aux anciens schémas éducatifs tout en sachant qu’ils ne correspondent plus parce qu’ils les ont expérimentés eux-mêmes. Et ils essaient de trouver un juste milieu face aux différentes propositions éducatives d’aujourd’hui, qui peuvent sembler contradictoires.
Il est parfois difficile de tordre le cou à certaines idées comme celle de l’éducation bienveillante qui serait du laisser-faire, et ce point est valable aussi bien pour les assistantes maternelles que pour les parents. À mon avis, le besoin est de clarifier la posture des parents en matière d’éducation en matière d’éducation et de réfuter certaines projections ou certaines vieilles idées.
Qu’est-ce que vous retenez de cette formation Petite Enfance ?
Déjà, j’ai beaucoup aimé cette formation dans la forme proposée : un aspect participatif, ludique. On n’était vraiment pas sur un format descendant, ce n’était pas un cours magistral. J’ai donc apprécié les techniques d’animation.
Si j’avais une seule chose à retenir, c’est l’image du porte-avion* utilisée dans l’exposition. C’est nous, les adultes, qui devons remplir le réservoir de sécurité affective de l’enfant.
En donnant de bonnes bases de connaissance, le format permet aux parents et aux professionnel·les de se saisir de ce dont ils ont besoin. L’exposition ne donne pas de leçon et aucun de jugement n’est posé dans les différents panneaux. Elle n’est pas culpabilisante mais invite chacun à explorer sa posture.
Pour avoir aussi utilisé l’exposition avec les assistantes maternelles, je dirais que c’est même plutôt valorisant parce que les parents comme les professionnelles peuvent aussi percevoir ce qui est adéquat dans leurs pratiques éducatives.
Comment vous êtes-vous saisie de cette exposition dans la relation aux parents ? Quel projet avez-vous monté ?
Malheureusement, je ne m’en suis pas encore servie avec les parents, je m’en suis servie avec un groupe d’assistantes maternelles. Je leur ai proposé de travailler sur 2 soirées, 2 panneaux de l’exposition en partenariat avec Promotion Santé. Il y avait 6 assistantes maternelles à la première soirée, et 9 pour la deuxième. Nous avons travaillé notamment sur la question des règles. On a monté la soirée avec ces panneaux en fond, des mises en scène à certains moments et des temps d’échange, de mises en commun, comme cela a été fait lors de la formation.
On a mis du lien entre ce que vivaient les assistantes maternelles et les saynètes des panneaux. Ça a été véritablement un support et ça a été très très riche. Les assistantes maternelles avaient beaucoup de choses à échanger et sont reparties avec pleins de pistes. L’intérêt était tel qu’on a explosé le timing !
A la fin de la soirée, elles ont émis l’idée de travailler les questions abordées avec les parents.
Qu’est-ce qui a eu le plus de succès pour les assistantes maternelles ? Quels sujets les ont le plus intéressés ?
Je pense que le panneau sur les règles a eu un impact. C’est quelque chose qui était concret et directement en lien avec leurs questionnements. Par contre, l’échange sur les jugements et le jeu des étiquettes** les a interpelées. Parfois, elles ne se rendaient pas compte de l’étiquette posée sur l’enfant et donc, de l’impact sur son développement et notamment sur sa perception de lui-même.
L’idée qu’au départ, un enfant se construit et construit l’estime de soi à travers ce que l’adulte lui renvoie n’était pas une notion acquise .
Qu’est-ce que vous aimeriez faire avec des parents ?
Je pense que c’est envisageable de faire un projet pour les parents. Des assistantes maternelles qui ont participé aux groupes de travail sont prêtes à s’investir. Le questionnement est au niveau de la forme que ce projet pourrait prendre. L’école Jules Ferry a proposé un projet très intéressant avec les parents. L’exposition était présente une semaine dans les locaux de l’école. Les parents pouvaient aller voir les panneaux librement. Clairement, comme pour les assistantes maternelles, ça a pu lever certains freins. Je pense qu’il faut avoir une certaine réflexion, une certaine prise de recul et une certaine recherche de positionnement pour participer à un groupe de travail ou à une réunion d’information avec cette exposition. Pour les parents ou les assistantes maternelles qui sont moins à l’aise sur la participation orale, c’est plus simple et plus concret de voir les exemples dans les panneaux de l’exposition. C’est neutre, non culpabilisant et chaque personne prend ce qu’il a à prendre sans avoir la sensation de s’exposer au regard des autres. Je pense que c’est judicieux.
Je n’ai pas encore pensé un projet pour les parents au niveau du relais de Roanne et de l’agglomération. On pourrait toucher un public plus large en proposant de visiter l’expo librement, d’y passer 5, 10, 20 minutes ou une demi-heure, peu importe. Et pourquoi ne pas proposer un temps d’échange après la visite, pour les parents, pour ceux qui souhaitent approfondir.
Qu’est-ce que vous retenez de tout ce projet, de la formation ?
C’est d’inviter les gens à faire cette formation et surtout à utiliser les panneaux. Je retiens de cette formation son aspect ludique et participatif. Ça donne vraiment une autre dynamique et on évite de moraliser. Chacun peut se reconnaître à un moment dans les petites scènes jouées.
Il faut dire aux personnes intéressées par l’éducation bienveillante de ne pas hésiter à faire cette formation. Elle est vraiment valorisante au niveau de nos pratiques au quotidien. Pour ce qu’on met en place au quotidien et en termes d’acquis de connaissances, de prises de recul, de posture à prendre en tant que professionnelle. Le format de l’Expo me paraît adapté.
Avez-vous remarqué un impact sur les assistantes maternelles ?
Effectivement, certains positionnements ont changé par une prise de conscience des mots qu’on pouvait utiliser, par la prise en compte des besoins de l’enfant en accueillant ses émotions. C’est difficile à quantifier. Elles-mêmes, elles ne le quantifient pas toujours au quotidien mais la prise de de conscience est bien là, les apports de l’exposition les aident à se recentrer sur l’enfant et leur donnent des repères quand elles ne savent pas comment se positionner.
Merci à Céline qui a bien voulu prendre du temps pour nous faire part de son expérience.
Pour aller plus loin, vous pouvez consultez l’article consacrée au projet Petite Enfance réalisé dans l’Aveyron.
Pour consulter le programme complet de la formation « Mais qu’est ce qui se passe dans sa petite tête? ».
* le porte-avion : le dernier panneau de l’exposition représente un porte-avion pour symboliser le fait que l’enfant a besoin qu’on remplisse son réservoir d’amour pour qu’il soit disposé à coopérer et à aborder la vie avec légerté.
** jeu des étiquettes : l’IFMAN Co utilise dans sa pédagogie de nombreux exercices. Ce dernier consiste à prendre conscience de l’impact du jugement sur l’enfant.